17 heures, unthé
Il est 17 heures. Nous sommes confortablement installés dans un salon de thé, dans un village de bord de mer du Morbihan. Dehors il pleut et il vente, la lumière du jour s’assombrit.
James m’a donné rendez vous ici, il ; veut m’annoncer quelque chose.
L’homme qui officie dans son salon de thé nous tend énergiquement des cartes pour que nous fassions nos choix. Il a beaucoup voyagé dit-on dans le pays.
Nous tombons d’accord sur le même breuvage. : un thé noir aux épices : cardamome, cannelle, gingembre, clous de girofle…Peut être pour nous rappeler nos voyages en Inde, encore fréquents il y a quelques années.
James commence à parler lorsque le thé arrive. La théière et les tasses sont noires vernissées, sans motifs. Il s’interrompe pour le verser dans nos tasses respectives. Ma première gorgée est brûlante. J’absorbe par mégarde un clou de girofle.
- Je cherche à te parler depuis des semaines. C’est aujourd’hui que j’y arrive.
Je ramène à mes lèvres la tasse, et le thé glisse cette fois avec plus de bonheur au fond de ma gorge. Je mâchouille le clou de girofle.
- Je pars rejoindre Thérèse. Je te quitte. Je te laisse la maison
Je repose la tasse de thé un peu brusquement sur la soucoupe, j’en reverse un peu dessus. La saveur de la cardamome et du clous de girofle résonnent dans mon palais. Moi qui ne sucre jamais, soudain, une brusque envie de sucré me saisit et je verse 2 cuillère à café de sucre brun dans une nouvelle tasse que je me verse. Le liquide s’assombrit.
-Tu ne dis rien ? Tu as entendu ce que j’ai dit ?
Je replonge mes lèvres dans mon breuvage. Le sucre fait ressortir le goût de la cannelle. L’âcreté s’adoucit. Je me concentre sur l’action de boire et sur l’acte de regarder mon thé qui diminue au fond de la tasse, laissant une traînée de cannelle sur la paroi.
Je ne regarde pas James. Je n’ai pas envie de voir ses yeux. Lui a rajouté du lait à son thé. C’est sa 3ème tasse. J’ai finit la seconde. Je m’en verse une dernière. Cette fois, je n’ajoute pas de sucre. Les épices se sont disséminés dans chaque particule d’eau. J’ai la bouche plein de saveurs, c’est presque trop fort.
Thé tanné, thé trahison
Thé, qui me tétanise,
Thé terroriste
Thé, terminer une histoire
Thé, terre de saveurs piégées
Thé, tentative de réponse,
Thé, tentaculaire de silence
Thé, tristement épicé
Thé, tu vas partir, tu t’en vas
J’ai finis la théière. Il a finit sa tasse. Je ne peux dire un mot. Il se lève, il paie, se retourne vers moi, je suis immobile, mais je lui fais un léger sourire. Il ouvre la porte, disparaît dans la nuit tombée? Je commande un autre thé.